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Pour une renaissance Togolaise : Me Christian Dorma BARANDAO-BAKÉLÉ appelle à « faire la politique autrement »

À l’occasion du 35e anniversaire du soulèvement démocratique togolais, l’avocat et spécialiste des affaires, Me Christian Dorma BARANDAO-BAKÉLÉ, signe une tribune forte et engagée. Il y dresse un constat sévère sur l’impasse politique dans laquelle le Togo est enfermé depuis plus de trois décennies et invite à une refondation de la manière de faire la politique.

Le 5 octobre prochain, le Togo commémorera l’anniversaire du mouvement démocratique initié par des étudiants en 1990, dans le sillage des bouleversements post-Chute du Mur de Berlin. Ce cri de liberté laissait espérer une ère nouvelle pour la démocratie togolaise. Mais, trente-cinq ans plus tard, la désillusion domine.

« Depuis 35 ans, on ne fait pas de politique au Togo, on lutte pour le pouvoir sur fond de rancunes personnelles », écrit Me BARANDAO-BAKÉLÉ. Entre une opposition focalisée sur la conquête à tout prix et un pouvoir déterminé à conserver ses privilèges, le peuple togolais, au nom duquel tout est censé se faire, reste le grand oublié.

Une élite politique en décalage avec les réalités du pays

Pour l’avocat, le problème n’est pas l’absence de compétences au Togo : « Chaque jour, des Togolais entreprennent, innovent, prennent des initiatives. Mais ces efforts se heurtent à un horizon politique perpétuellement incertain. » Il dénonce une classe politique enfermée dans ses calculs, incapable de s’élever au-dessus des querelles personnelles pour bâtir un projet collectif ambitieux.

L’auteur regrette également la radicalisation des deux camps : « Une opposition réduite à des slogans et des mobilisations de rue face à un pouvoir qui instrumentalise la menace de révolte pour verrouiller le système », analyse-t-il.

Le nouveau régime parlementaire, une opportunité à saisir

Si la révision constitutionnelle ayant conduit à la Cinquième République a suscité de vifs débats, Me BARANDAO-BAKÉLÉ y voit paradoxalement une chance : « Le régime parlementaire est un formidable vecteur de discussions, de négociations et de recherche de compromis. » Il rappelle que les seules élections remportées par une coalition d’opposition au Togo furent les législatives de 1995, preuve que ce terrain est favorable à l’alternance.

En misant sur des élections législatives apaisées et une culture du compromis, le Togo pourrait enfin tourner la page des violences et des tensions chroniques liées aux présidentielles.

Appel à un nouveau départ

Pour Me BARANDAO-BAKÉLÉ, l’heure n’est plus aux discours révolutionnaires mais à « une réflexion collective pour bâtir une autre société, basée sur notre formidable capacité à vivre en harmonie ». Il plaide pour des projets de société concrets, orientés vers le bien-être des populations, et une politique débarrassée des « désirs de règlements de comptes ».

« Il est temps de faire les choses autrement, d’avancer dans une autre direction, loin du bruit et de la fureur, pour que chaque Togolais ressente chaque jour l’appel de notre hymne national : Togolais, viens, bâtissons la cité. »

Lire ci-dessous l’intégralité de la tribune de Me Christian Dorma BARANDAO-BAKÉLÉ :

Pour une renaissance togolaise : Et si on tentait la politique autrement ?

35 ans que cela dure

Trente-cinq années durant lesquelles l’avenir d’un peuple est sans cesse hypothéqué, repoussé aux calendes grecques, au gré des rancœurs et des ambitions personnelles. Triste constat pour un pays que nous portons fièrement au cœur.

Le 5 octobre prochain, le Togo commémorera l’anniversaire du soulèvement démocratique initié par un groupe d’étudiants qui, à la faveur d’un procès de quelques-uns des leurs  avaient osé, privilège de la jeunesse défié un pouvoir jusque-là monolithique, pour qui faire de la « politique » relevait du crime de lèse-majesté.

Ce cri de révolte, cette libération de la parole contestataire, dans le sillage des bouleversements succédant à la chute du mur de Berlin en octobre 1989, laissait espérer des lendemains démocratiques pour une société  nouvelle togolaise, plus dynamique.  35 ans plus tard, seule une immense désillusionpersiste.

Depuis 35 ans en effet, on ne fait pas de politique au Togo onlutte pour le pouvoir sur fond de rancunes personnelles, enessayant si possible de se servir de la carrière politique comme tremplin social.

D’un côté, l’opposition se bat pour arracher le pouvoir à tout prix quant le parti au pouvoir, fait tout pour le conserver ; sauf que dans cette bataille le peuple, au nom de qui chacun prétend se battre est le grand oublié.

Une élite politique en décalage avec ce qu’est le Togo

Je suis fier de mon Togo, et de mes compatriotes ceux de ma génération , de celles qui nous ont précédé et de celles qui viennent après nous ; J’ai côtoyé et côtoie tous les jours des personnes compétentes tant au pays qu’à l’extérieur qui ne demandent qu’à trouver un cadre d’expression pour tirer le Togo, LEUR Togo vers le haut. Chaque jour des initiatives commerciales, entreprenariales, financières sont prises avec pour limitation un horizon politique perpétuellement incertain. Conséquence, malgré les efforts individuels, Ce petit pays qui a donné à l’Afrique et au monde tant d’esprits  brillants dans tellement de domaines, n’est aujourd’hui que l’ombre de ce qu’il aurait pu devenir si ses enfants avaient su et pu se tendre la main.

Au lieu de profiter d’une démocratie qui le tire vers le haut, le peuple, dindon d’une farce qui ne fait plus rire personne, est devenu l’otage de luttes pour le pouvoir motivées par l’appât du gain et/ou les rancunes personnelles, bien plus que par la volonté sincère d’améliorer le sort du peuple et de rendre respectable le nom du Togo aux yeux du monde.

Je suis fier de mon Togo et de mes compatriotes mais je ne me reconnais pas du tout dans cette élite politique radicalisée des deux bords qui semble n’avoir cure de voir notre bien commun brûler pour leurs intérêts à eux.

Depuis 35 ans, l’opposition se contente de slogans et de mobilisations de rue, persuadée qu’aucune victoire n’est possible dans les urnes face à la duplicité supposée du pouvoir. Contestations électorales, boycotts, compromis douteux avec le pouvoir : tout y est passé, jusqu’à ce que la légitimité populaire de certains de ses acteurs s’effrite au point de se faire déborder par une armée d’influenceurs qui tiennent désormais le haut du pavé sur les réseaux sociaux ; porte-paroles  d’une jeunesse révoltée mais déboussolée, ces derniers peinent eux-mêmes à s’accorder sur une vision commune, sauf sur celle consistant à faire tomber le pouvoir en demandant comme les opposants hier,au peuple de sortir faire la « révolution » .

Ce faisant, ces nouveaux leaders d’opinion ne comprennent pas que ce positionnement radical, sans projet structuré, finit par servir les intérêts des radicaux de l’autre camp, celui du pouvoir en place, qui savent que tant qu’une menace de révolte populaire planera ils auront les coudées franches pour opérer  et se servirsans avoir à rendre de compte.

Un statu quo arrange tout le monde…

Voila donc 35 ans que ce statut Quo dure et que les caciques des deux bords rythment la vie d’un pays qui n’en peut plus d’étouffer.

Dans ce marasme, les modérés des deux camps, finissent par lâcher leurs ambitions réelles pour leur pays pour rentrer dans le rang afin d’éviter de se faire broyer par leurs appareils respectifs.Et pendant ce temps, la politique est oubliée au profit des querelles personnelles et des invectives.

Le passage à la Cinquième République n’a rien changé : il a même accentué les tensions. À la prestation de serment du président du Conseil et à l’intronisation du nouveau président de la République ont succédé manifestations et campagnes de déstabilisation, pour lesquelles l’arrestation très controversée du rappeur Aamron a servi de détonateur. Pourtant cette cinquième tant décriée est peut être paradoxalement le vecteur d’un renouveau.

L’impasse des 35 dernières années et l’espoir d’un renouveau

Depuis trois décennies et demie, l’opposition togolaise s’attarde sur ce qui ne marche pas au lieu de construire sur ce qui pourrait fonctionner. Pour elle la constitution de la ve république est un coup d’Etat visant à maintenir l’actuel président du conseil des ministres au pouvoir.

Certes, la révision constitutionnelle a été de mon point de vuemal gérée, tant dans son calendrier que dans sa pédagogie, mais, une fois de plus, l’opposition s’est concentrée sur l’écume des évènements plutôt que sur la vague d’une vision stratégique de l’avenir.

Bien sûr,  en initiant le changement de constitution UNIR entendait bien faire conserver le pouvoir à son chef de file. Le contraire eut été étonnant. Un parti politique travaille essentiellement pour ses intérêts et pas ceux de ses adversaires. En face il appartient aux appartient aux partis politiques d’opposition qui aspirent à gouverner de tirer les leçons, de ce changement constitutionnel et s’organiser pour sinon conquérir le pouvoir du moins être en situation de peser sur les politiques futures du pays.

Dans ce cadre, plus que le régime présidentiel, le régime parlementaire constitue une aubaine de victoire future pour les partis d’opposition.  La preuve en est que durant les 35 dernières années, les seules élections  remportées par une coalition de partis d’opposition et reconnu par le pouvoir lui-même étaient les législatives de 1995. Une victoire aussitôt gâchée par l’incapacité des deux principaux leaders à s’entendre, offrant ainsi au parti au pouvoir l’occasion de reprendre la main. Un rendez-vous manqué qui résonne encore aujourd’hui comme un terrible aveu d’échec.

La prééminence des législatives dans la nouvelle constitution est également un facteur de paix et de décrispation. Rarement en Afrique, les élections législatives ont déclenché des bains de sang contrairement aux élections présidentielles où lacristallisation des aspirations d’une partie du peuple autour d’un candidat donne lieu à des affrontements chaque cinq ans. Conséquence, à chaque année d’élection présidentielle, tout un peuple retient son souffle en espérant que le pire soit évité impactant tout le tissu socio-economique du pays. Il suffit en cela de voir les inquiétudes qui entourent les futures élections présidentielles au Cameroun et en côte d’ivoire pour s’en convaincre.  

Le nouveau régime parlementaire est enfin un formidable vecteur de discussions , de négociations et de recherche de compromis, toutes choses qui vont bien avec la mentalité pacifiste togolaise. Encore faudrait-il que l’élite politique veuille bien l’incarner.

Un autre facon de faire la politique pour une renaissance togolaise

Trente-cinq ans

C’est le temps qu’un peuple a perdu, prisonnier des ambitions personnelles et du manque de vision politique d’un personnel politique pour la plupart défaillant et incapable de comprendre qu’ils sont là pour servir le Togo et pas le contraire.

C’est le temps qu’une nation pourtant méritante a gaspillé, pendant que d’autres nations avançaient.

Où est donc passé ce génie togolais ? est passé notre intelligence, notre formidable capacité à vivre en bonne intelligence avec les autres ?

Alors il est peut-être  temps de faire les choses autrement d’avancer dans une autre direction, celle d’une réflexioncollective sur notre intelligence à construire une autre société basée sur notre formidable capacité à vivre en harmonie les uns avec les autres.

Il est temps que les politiques togolais se concentrent enfin sur de vrais projets de société, orienté exclusivement vers le bien-être des populations et le rayonnement du Togo.

Il est enfin temps d’arrêter de vouloir copier les autres et de faire les choses à notre manière. ; D’abandonner les discours révolutionnaires sources de vengeance aveugle, au profit d’un désir d’évolution constructive, silencieux mais efficace, conformes à nos standards, à notre histoire.

L’histoire du Togo, les traits de caractère  et la mentalité qu’on prête avec raison à notre nation,  me font penser que le salut du pays ne viendra que d’un débat politique apaisé, respectueux, et débarrassé des désirs de règlements de comptes.

Nous pouvons le faire à notre manière, en toute discrétion, loin du bruit et de la fureur, pour que de nouveau chaque Togolaise et Togolais ressente chaque jour dans son âme le vibrant appel porté par notre hymne national : Togolais viens, batissons la cité.

A bon entendeur,

 

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