Exclusif : Mohamed MADI DJABAKATE : « La seule issue c'est désormais une feuille de route de la CEDEAO qui sera imposée aux acteurs concernés.»

Mohamed MADI DJABAKATE, Politologue et Écrivain Togolais, aborde le sujet du statu quo dans la crise politique togolaise et fait des propositions de sortie de crise. Entretien… Monsieur Madi, après près de neuf (09) mois de crise politique, quelle appréciation faîtes-vous du statu quo actuel? Bonjour. De votre question deux termes retiennent mon attention : crise politique et statu quo. Effectivement depuis août 2017 nous sommes dans une crise politique que les uns et les autres ont voulu convertir en crise juridique. Et cette façon de faire ne peut qu’occasionner le statu quo puisque dans la recherche de solution on se focalise sur le juridique au lieu de revenir sur la nature politique de la crise et de prendre en compte les variables idiosyncratiques des acteurs concernés. D’aucuns pensent que cette crise est purement juridique, un avis que vous ne semblez pas partager. Qu’est ce qui vous fait dire que dans cette crise, il faut plutôt recourir à sa nature politique? Cette crise n’est pas juridique. Ceux qui scandaient cela commencent par revenir à de meilleurs sentiments. Depuis le début de la crise nous avons toujours insisté sur sa nature politique et qu’il ne fallait pas chercher à la convertir en crise juridique au risque d’être pris au jeu démocraturque du pouvoir en place. Si vous avez le temps je vous renvoie à une de mes sorties sur New World TV en date du 14 septembre 2017. J’étais incompris et critiqué. Mais aujourd’hui le temps me donne raison. Déjà commençons par la plateforme revendicative du PNP à laquelle les treize autres partis politiques se sont finalement greffés par pure opportunité. Tous les différents points qui y sont relèvent de la politique pure. Mais j’ai toujours précisé qu’il faut éviter de mettre la charrue avant les les boeufs. On peut régler cette crise politiquement et solliciter par après les juristes pour la mise en forme juridique du compromis politique auquel les acteurs seraient parvenus. Juridiquement Faure Gnassingbe bénéficie d’un texte favorable à la longévité au pouvoir. Et son atout c’est qu’il n’est pas l’auteur direct de cette réforme qui l’arrange aujourd’hui. Donc il pourra dire valablement qu’il respecte la loi. Par après la grande partie de ceux qui réclament sa tête ont été ses adversaires en 2015 et contribué à la légitimation de son troisième mandat qui le conduit au delà de l’esprit de la limitation des mandats mais ne le mets pas en contradiction avec l’esprit de la loi en vigueur qui a été modifié conformément aux dispositions votées par le peuple pour sa modification. Toutefois je pense que s’éterniser sur ce débat juridique est une perte de temps. Le pays est-il dans une impasse politique ? Il est illogique d’espérer une sortie de crise avec les positions rigides des différents bords qui sont plus préoccupés de perdre la face après avoir soutenu une position depuis le message envoyé par les différentes parties du peuple qui se retrouvent derrière la C14 et UNIR. Ces parties du peuple veulent tous la limitation des mandats et tacitement le renouvellement de la classe politique qui progressivement a perdu leur confiance. Malheureusement ce n’est pas dans l’intérêt des acteurs politiques et le statu quo arrange plus d’un. La seule issue c’est désormais une feuille de route de la CEDEAO qui sera imposée aux acteurs concernés. Sinon la solution entre togolais aura toujours des limites. Le recours à l’extérieur reste incontournable. Ce n’est pas l’Accord Politique Global qui dira le contraire. Malgré l’entente à Lomé il a fallu recourir à Ouaga pour sa consécration. En parlant de la CEDEAO, que pensez-vous du silence de ses médiateurs désignés pour intervenir dans la crise togolaise? Que cache ce silence ? Peut-être silence pour le commun des mortels. Mais ce n’est pas en réalité le cas. Des tractations sont en cours et les gens ne peuvent pas communiquer si rien de concret n’est disponible. Par ailleurs vu que nous sommes désormais dans une bi-facilitation l’approche devient un peu plus compliquée. La chose la plus plausible c’est une recommandation à la conférence des Présidents de la CEDEAO par le Président de la Commission de la CEDEAO après consultation des Facilitateurs. Et la CEDEAO sera plus active à partir de fin Juin où elle n’aura plus Faure Gnassingbe comme Président en Exercice. Pensez-vous que c’est lié au fait que le président Faure E. Gnassingbé préside actuellement la CEDEAO, qui empêche l’organisation de faire des recommandations au Togo? A quel schéma devrions nous attendre après le départ du président togolais de la présidence à la tête de cette organisation? Vous savez, il est déconseillé même à un médecin de s’auto traiter. Il doit toujours recourir à un collègue. Et la posture actuelle de Faure Gnassingbe ne permet pas d’espérer grand chose de la CEDEAO. Surtout avec son beau frère qui était jusqu’à un passé récent Président de la Commission de la CEDEAO et avait brillé depuis le début de la crise par son silence circonstanciel. Sincèrement voyez l’engagement de Faure Gnassingbe en Guinée Bissau. Vous ne pouvez que lui tirez chapeau. Mais revenez au TOGO et vous comprendrez plus facilement le slogan national qui dit que l’《On peut faire une chose et son contraire 》. Le schéma de la CEDEAO doit être d’inspiration togolaise. Il ne faut pas que ce soit un diktat des voisins. Il urge que le groupe des 14 profite de ce créneau pour soumettre à la Commission de la CEDEAO et aux Facilitateurs un plan de transition qui permettra à Faure Gnassingbe de partir en 2020 et d’enclencher une transition conduite par la société civile et des personnalités publiques pour permettre de matérialiser les réformes en profondeur. Au passage je tiens à préciser que je ne suis pas intéressé car parfois au Togo lorsqu’on propose les gens croient que c’est parce qu’on a des intérêts personnels. Selon vous quels rôle pour encore jouer le parlement Togolais dans la résolution de cette crise? Si les gens peuvent s’entendre et nous épargner d’une dilapidation des ressources qu’occasionnerait le référendum, le parlement sera le bienvenu. Mais je demeure convaincu que si le Rapport de la commission Awa Nana pouvait être mis à la disposition des parlementaires on peut voir ce qui peut permettre de répondre aux attentes de ceux qui veulent des réformes en profondeur en plus des fondamentaux votés au référendum pour la quatrième république. Sinon ce sera un gaspillage de plus des deniers publics que de ne pas recourir aux travaux de cette commission qui durant sa tournée a pu se faire une idée des attentes de la base. L’autre sujet qui fait débat dans l’opinion Togolaise est le référendum, quelle est votre appréciation sur le sujet ? Du moment où la classe politique n’arrive pas à s’entendre sur le sujet, n’est-il pas opportun que les togolais se prononce sur ces réformes? Quel référendum sur quel texte ? Le référendum avec quel cadre électoral? Si le Gouvernement devient plus explicite sur ces questions je pourrais me prononcer. Quelles sont vos propositions pour une sortie de crise au Togo? Je pense avoir au niveau de chaque question fait des contributions en ce sens. Mais pour être plus précis je dirai 1- Faure Gnassingbe reste au pouvoir jusqu’en 2020. Et il se retire pour donner la chance à d’autres militants du parti UNIR. C’est un peu triste de prétendre à un quatrième mandat au motif qu’en 15 ans l’on n’a pas su préparer la relève. 2- A défaut du texte proposé par la Commission Awa Nana, que le Gouvernement ramène la proposition de texte de 2014 qui reprenait la formulation 《EN AUCUN CAS》. Il faudra juste s’inspirer d’une formule comme celle de l’article 155 de la version originelle de la C92 pour clarifier les cas auxquels le nouveau texte s’applique. Ils l’ont fait en 1992. Ils peuvent le refaire. 3- Nommer une personnalité issue de la société civile pour diriger un Gouvernement de mission qui pourra permettre la mise en oeuvre des réformes et organiser les élections. Il ne sert à rien de dire que les législatives doivent se tenir dans les délais. Nous avons déjà une jurisprudence sur la question du report des élections législatives. Dans tous les cas il est important de revoir le découpage avant tout scrutin. Nous sommes arrivés au terme de notre entretien, M. Madi votre mot de la fin. C’est juste qu’à notre prochaine rencontre que nos discussions ne tournent pas autour des mêmes sujets. Je sais que cela ne dépend pas de vous mais des acteurs politiques. Le togolais mérite mieux que le théâtre actuellement produit par sa classe politique. Merci.]]>