Afrique

La dette africaine en question : enjeux, dynamiques et perspectives d’une conférence panafricaine à Lomé

Du 12 au 14 mai 2025, Lomé accueillera une conférence de haut niveau sur la dette publique africaine, organisée par la Commission de l’Union africaine. Cette rencontre vise à formuler une réponse concertée aux défis structurels de l’endettement sur le continent. Dans ces lignes nous revenons sur la nature de la dette africaine, ses dynamiques historiques et contemporaines, ses implications économiques, et l’intérêt stratégique de cette conférence dans la redéfinition d’une architecture financière africaine.

Une dette plurielle aux origines historiques complexes

La dette africaine se décline en plusieurs formes : publique ou privée, intérieure ou extérieure, bilatérale, multilatérale ou commerciale. Cette complexité structurelle reflète une dépendance prolongée aux financements externes. Historiquement, les années 1980 ont marqué le début d’une crise chronique de l’endettement, avec un accroissement exponentiel de la dette extérieure : de 39 milliards USD en 1976 à plus de 270 milliards USD en 1990

Malgré les initiatives d’allègement telles que l’Initiative PPTE ou l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), le problème de fond – la vulnérabilité économique liée à l’endettement – demeure. Entre 2010 et 2020, la dette extérieure du continent a été multipliée par plus de cinq, représentant environ 65 % du PIB en 2023, avec une projection à 60 % en 2025

Les déterminants contemporains de l’endettement

La dégradation actuelle résulte de facteurs exogènes (crises sanitaires, conflits, volatilité des marchés, changement climatique) et endogènes (faiblesse de la mobilisation des ressources internes, gouvernance budgétaire, déséquilibres structurels). Le service de la dette excède désormais les dépenses de santé dans plus de 30 pays africains (PNUD, 2023), ce qui compromet directement l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2063.

Par ailleurs, la multiplication des créanciers non traditionnels et l’opacité de certaines opérations de dette accroissent les risques systémiques et compliquent les restructurations. En 2024, 25 pays africains sont en situation de détresse liée à la dette ou à haut risque de surendettement, contre 9 en 2012

Vers une réponse continentale concertée : l’enjeu de la conférence de Lomé

La conférence de Lomé ambitionne de poser les fondements d’une position africaine commune sur la dette. Elle s’inscrit dans une logique stratégique visant à : Renforcer la transparence et la responsabilité dans la gestion de la dette publique ; Réformer l’architecture financière mondiale afin de refléter les intérêts spécifiques du continent ; Promouvoir des mécanismes innovants de financement respectueux de la soutenabilité budgétaire ; Mettre en place un cadre panafricain de gestion de la dette reposant sur des principes communs.

Parmi les résultats attendus figurent la Déclaration de Lomé sur la dette, des recommandations techniques sur les pratiques de gestion, et une plateforme de dialogue pérenne entre acteurs publics, institutions financières, et société civile

Implications géopolitiques et économiques

Au-delà de la question technique de la viabilité, la gestion de la dette africaine pose un enjeu de souveraineté économique. L’élaboration d’une doctrine commune permettrait au continent de mieux négocier avec ses créanciers et de redéfinir ses priorités de développement. Elle favoriserait également une meilleure coordination entre les institutions régionales (UA, BAD, CER) et les mécanismes internationaux (FMI, G20, Club de Paris).

La conférence de Lomé peut ainsi être interprétée comme un moment de diplomatie économique continentale, où s’articulent renforcement des capacités étatiques, plaidoyer politique, et volonté de réforme institutionnelle.

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