Le consommons national, qu’est-ce que c’est ? Le « consommons national’’ ou la consommation de préférence nationale c’est l’ensemble des produits et services issus des différents terroirs et secteurs d’activités technologiques, économiques, écologiques, culturelles et sociales d’un pays, complétés par des importations contrôlées afin de satisfaire en qualité et en quantité les besoins intérieurs de production et de consommation finale des individus, des ménages, des institutions et des entreprises. Dans un contexte de mondialisation et de libéralisation des échanges, la consommation de préférence nationale est éminemment un choix politique relevant de la souveraineté nationale. Ses déterminants renvoient à des considérations d’ordre politique donc à la liberté pour tout Etat d’imprimer une préférence nationale par rapport à certains produits stratégiques ou sensibles. Il s’agit de protéger et d’enrichir certains produits et catégories de producteurs à ancrage dans les terroirs de chaque aire socioculturelle afin de préserver durablement les savoir-faire et modes de consommation sains issus de l’histoire à travers des produits et services qui structurent la vie quotidienne des populations et représentant un enjeu pour la préservation de la nature, des emplois, des revenus et de la santé des populations. La notion de souveraineté qui est un pouvoir décisionnel majeur signifie qu’un peuple ne doit pas subir une consommation exotique comme une fatalité assimilationniste du destin ou un rapport de force économique visant à dénaturer l’identité culturelle de ce peuple. Les vecteurs d’une civilisation ce sont les langues maternelles, les modes de vie, les écosystèmes, en particulier les ressources génétiques et édaphiques qui font les supports de stabilité sociétale. Cette capacité d’adaptation et de résistance des systèmes de production favorise le maintien des productions, des métiers et de la consommation des produits des terroirs. Ce faisant, la consommation souveraine ou le consommons national devient l’une des grandes sources de fierté nationale. Nos produits n’ont rien à envier aux produits de substitution importés. D’où la consommation des produits nationaux devient une question identitaire primordiale car elle permet la rencontre des civilisations dans leur diversité et singularité. Cette identité doit revendiquer un référentiel de valeurs qui oriente le système vestimentaire, les modes de valorisation des matériaux locaux, la relation à la foi, la relation à la nature, la manière de communiquer et de vivre ensemble… C’est là qu’intervient la préférence nationale comme une pédagogie d’ouverture au monde sans effacement des fondements de chaque peuple. C’est cette mondialisation à visage humain moins tributaire du capitalisme sauvage qui justifie toute la pertinence du consommons national. Les dimensions géopolitiques de la consommation nationale Le commerce intra-national par la circulation de la production nationale entre les bassins de vie d’un pays ne doit pas être affaibli ou entravé par le commerce international. En effet, toute importation a une dimension géopolitique donc exerce une influence sur les habitudes en agissant sur le système culturel d’un peuple. C’est ainsi qu’inconsciemment, les pays africains s’américanisent, s’européanisent, s’asiatisent…en adoptant des modèles de consommation qui se substituent progressivement aux modèles autochtones en les rendant impuissants. Dans certains cas, on assiste à de modèles mixtes comme la valorisation des matériaux recyclés localement et issus de produits importés. Le système fiscal africain est peu protecteur des productions nationales surtout dans les pays dont le tissu industriel est quasi inexistant ou très faible. Les importations deviennent la première source de financement intérieur du budget de l’Etat comme c’est le cas au Togo. Ainsi tous les marchés et tous les bassins de vie sont envahis par des produits de substitution d’origines étrangères qui détruisent des productions nationales aggravant le sort des producteurs locaux, les petits entrepreneurs locaux et ceux qui veulent entreprendre. Partant, il n’est pas facile d’affronter la concurrence internationale dans son village, son quartier, son assiette et sur son corps. Par exemple, la consommation de la friperie et les magasins de prêts à porter ont fragilisé plusieurs années durant des entreprises de couture, simplement parce que l’Etat n’a pas une politique de promotion des vêtements traditionnels et modernes conçus par les artisans nationaux. La situation est dramatique dans le secteur agricole avec l’envahissement des villes et campagnes de produits importés comme le riz, la tomate en boîte, les huiles, les fruits durant les périodes d’abondance des produits locaux du même genre. Les commerçants reçoivent des licences d’importation sans discrimination des saisonnalités de la disponibilité des productions nationales, et ainsi, tout semble donner l’impression que l’Etat depuis 1990 a opté une libéralisation sauvage de l’économie nationale au Togo. Le pays est plus tributaire des recettes issues des importations et de l’aide internationale que du développement d’un tissu industriel cohérent adossé sur la valorisation des productions nationales pour domestiquer les chaînes de valeurs. En raison de la faiblesse du tissu industriel pour diversifier les produits dérivés des productions du cru, le Togo est confronté à d’énormes pertes post-récoltes et dans les circuits de commercialisation. Ces pertes sont de l’ordre de 50-60% pour les fruits et légumes, de 10-20% environ pour les céréales et les haricots et 20-30% pour les racines et les tubercules ; les périodes d’abondance sont en même temps des périodes de pertes énormes donc de gaspillage faute de capacité de transformation suffisante pendant que le pays est sérieusement confronté à de nombreuses poches de sous-alimentation et de malnutrition. Le potentiel de valorisation des productions nationales en produits dérivés d’accès aux marchés intérieur, régional et international est énorme au Togo, cependant il est très peu exploité quel que soit le produit du cru considéré. Aux Etats-Unis d’Amérique, plus de mille produits dérivés du seul maïs contre seulement une vingtaine chez nous, un pays d’eau du sud au nord. Stratégie pour booster la consommation nationale Toute politique nationale de développement d’un pays repose sur un modèle systémique à visée économique, sociale et géopolitique. Elle doit clairement exposer les grandes orientations du pays en matière de modèle économique, de modèle social et de modèle culturel comme la trame de fond de la volonté de l’Etat de bâtir une société répondant au mieux à la satisfaction de ses citoyens avec la protection des producteurs et des consommateurs. Le vrai problème du Togo c’est la faiblesse des investissements publics et privés dans la recherche- développement pour diversifier les produits dérivés des productions du cru, maîtriser les coûts de production et de promotion commerciale, réguler les importations de produits de substitution aux productions nationales en fonction de leurs saisonnalités. La compétitivité demande par ailleurs un réseau de laboratoires pour le contrôle et la certification de la qualité ainsi que la disponibilité de facilité d’accès à la publicité et à la manufacture des emballages pour accroître la compétitivité intérieure et internationale des produits nationaux jouissant désormais d’une réelle valeur ajoutée. Le pouvoir d’achat déterminant le modèle de consommation, en favorisant l’importation peu contrôlée de produits subventionnés ou de dumping (vente à perte) au détriment des produits nationaux non subventionnés, le pays court le risque de détruire certains corps de métier, les producteurs ne pouvant pas investir dans le renouvellement de leur capital productif et mettre sur le marché des produits de qualité à coût compétitif. Quelles mesures peut-on envisager pour promouvoir le consommons national ? 1. un dialogue permanent entre l’Etat, le patronat et les importateurs de chaque secteur permet de définir une stratégie concertée de régulation des importations dans une logique gagnant-gagnant ; 2. le renforcement de la chaîne de contrôle de qualité des produits par le développement d’un réseau de laboratoires capable de réaliser des analyses fines afin d’éviter l’introduction de produits à bas prix et de mauvaise qualité susceptibles d’engendrer des problèmes majeurs de santé publique à terme ; 3. l’érection de tous les produits faisant l’objet d’importations de substitution en filières structurées pour donner aux acteurs nationaux un réel pouvoir de négociation au niveau des chaînes de valeurs ; 4. l’établissement d’un répertoire national des différents usages de chaque produit du cru assorti d’un programme de recherche -développement pour leur prise en charge sur le plan technologique et économique afin de diversifier les produits dérivés ; 5. la définition d’une saisonnalité des importations pour interdire l’introduction de produits de substitution durant les périodes d’abondance ; 6. l’encouragement des opérateurs économiques par des facilités fiscales pour l’implantation d’unités de fabrication d’emballages écologiques permettant d’améliorer le design et l’attractivité des produits nationaux ; 7. la systématisation de la consommation des produits nationaux dans chaque secteur public avec un bilan annuel des efforts du gouvernement en ce domaine ; 8. l’accroissement des productions nationales avec la réduction des coûts de production et par la maîtrise de l’eau à des fins de production de contresaison et la maîtrise des pertes en champs et perte post- récolte ; 9. la mise en place de subventions d’accompagnement pour la promotion médiatique des produits nationaux en mettant en évidence leur assurance qualité ; 10. Le renforcement du contrôle des échanges transfrontaliers pour traquer les produits de contrebande sans compromettre le principe de la libre circulation des personnes et des biens entre le Togo et les pays de la sous-région. Si ces mesures n’étaient pas respectées, la facture des importations alimentaires et autres produits de substitution pourraient connaître une explosion avec les perspectives démographiques annoncées. Source : actu-togo.com – Agribusiness]]>
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