Politique

Togo : «le séisme avorté du 31 juillet 2018 peut constituer si nous n’y prenons pas garde le point de déclenchement d’une résistance populaire…» : Madi Djabakaté

Il revient dans ce message sur les réactions qui ont suivi la publication des recommandations de la CÉDÉAO, et fait un schéma de la crise de confiance qui existe actuellement entre les citoyens et les acteurs politiques togolais. Par ailleurs, il n’a pas manqué de faire certaines propositions à l’endroit des acteurs politiques, afin que ces derniers puissent faire en que les togolais à ne pas se lassent pas de la politique. Lire ci-dessous l’intégralité du message du politologue togolais Mohamed Madi Djabakaté. MESSAGE AUX COUSINS DU 03 AOUT 2018 Bonjour chères cousines et chers cousins, Le 31 Juillet a tenu ses promesses mais n’a pas forcement répondu à vos attentes. Mais j’espère que mon message du vendredi 27 Juillet a été utile a beaucoup d’entre vous. J’ai écouté un « sage » UNIR jubiler en criant victoire ; j’ai lu mon grand frère Gerry soulagé d’avoir pris un risque payant ; J’ai lu un communiqué de haute facture de la C14 même si j’ai été déçu d’y retrouver les extraits du cantique « retour à la C92 » ; J’ai également lu la détermination de la société civile qui reste incomprise par la CEDEAO et s’en désole ; et enfin j’ai lu un silence bruyant de quelques heures sur la plupart des plateformes numériques. Bref chacun a été impacté par le communiqué final du syndicat des présidents ouest africains. Je suis tenté de dire que si quelqu’un avait pris ses responsabilités au lendemain du 20 août 2006, il n’y aurait jamais eu de 19 août 2017 avec toutes les conséquences dommageables et regrettables. Nous voici encore en août pour célébrer le douzième anniversaire manqué de l’Accord Politique Global. Comme le dialogue est censé continuer j’espère que les uns et les autres vont se ressaisir. Car nous n’apprenons pas malheureusement de notre passé. Nous n’apprenons pas. L’Etat devient de plus en plus marginal face aux intérêts partisans. Hier j’étais au HCCRUN car ayant été retenu dans la catégorie des victimes non vulnérables de la première étape des indemnisations. Je reste quand même inquiet car il n’y a aucune garantie de non répétition de ces évènements. Et j’ai vraiment réalisé comment plusieurs togolais s’engagent mais commencent par douter de ceux qu’ils font. Mais je tiens à les encourager car l’erreur serait de désespérer et de cesser de faire leur part. Il est inconcevable qu’au moment où des efforts sont faits pour réparer symboliquement ces faits consécutifs à la complicité passive de l’Etat on continue par encourager des pratiques similaires. Ce vendredi je ne serai pas loquace. Je vais aborder une question cruciale, pour mon Doyen Agbokousse : la crise de confiance entre les acteurs et qui est à la base de la situation conflictuelle que vit notre pays depuis son indépendance. Cette interpellation du Doyen et ma visite au siège du HCRRUN le deuxième jour du mois d’août me confortent dans la nécessité de sensibiliser mes cousines et cousins à porter un regard sur une dimension fort négligée de l’éthique de l’élite nationale, mais pourtant capitale : ses fondements politiques. L’analyse du discours officiel des différents camps (pouvoir, opposition, société civile) en matière d’éthique révèle sur l’orientation particulière qu’a prise l’éthique qui se définie désormais suivant l’obédience des uns et des autres. C’est d’ailleurs pour cela qu’à chaque déclaration on cherche plus la couleur des propos que de chercher à analyser les propositions. Et cette façon de faire continue d’entretenir la crise de confiance qui semble s’installer dans notre pays à l’égard des institutions publiques et des partis politiques. D’un côté, un Parti au pouvoir, UNIR, qui engrange des fonds pour se donner une bonne image à l’international alors que ses zones d’influence classique au plan national s’émancipent de plus en plus faisant ainsi prospérer le spectre d’une défaite majeure aux prochaines élections législatives en cas de mutation de la C14 en une alliance électorale. De l’autre, une opposition morcelée qui a du mal à s’affirmer comme une véritable alternative au pouvoir. Le panorama n’incite plus vraiment aujourd’hui les togolais à vraiment croire en la classe politique, et l’abstention attendue lors de la prochaine échéance électorale en cas de poursuite du désaccord sur les reformes pouvant permettre de garantir la sincérité des scrutins. En tout cas si au lendemain du 19 août 2017 on pouvait parler d’un regain d’intérêt des togolais pour la chose politique, les attentes non satisfaites du 31 juillet 2018 poussent à affirmer que les togolais risquent de se détourner à nouveau du monde politique. Ceci peut s’expliquer par la profonde fracture entre les responsables politiques et la population. Il faut dire que les résultats de notre gouvernement actuel et les atermoiements de l’opposition n’ont rien fait pour rapprocher deux mondes qui n’ont jamais été aussi éloignés : le monde des acteurs politiques et le monde des togolais lambda. Un monde qu’a su réveiller le cousin Atchadam avant de l’endormir profondément depuis qu’il a voulu faire comme Gilchrist qui est le spécialiste de l’opposition à distance. La vraie question c’est de savoir combien de temps va durer le soutien populaire a cette défiance très forte envers les partis politiques traditionnels qu’incarne désormais le PNP. Et ce nouveau conflit de leadership qui s’annonce ne sera pas du goût des togolais qui ont déjà la dose maximale avec les gesticulations pouvoir/opposition. Il y a lieu de travailler à régler cela malgré la douche tiède du 31 juillet 2018. Je ne peux m’empêcher de rappeler une opinion de Loïc Nicolas selon qui « la confiance politique n’est pas un don du ciel, pas plus qu’elle n’est un luxe ou un chèque en blanc. Elle est le produit d’une relation complexe où se mêlent écoute et respect, discours et actions. Il ne s’agit pas de la réclamer comme un droit, ni de la déclarer comme un fait, mais de comprendre ce qui l’anime pour en travailler les raisons. Ce travail, de même que la valeur accordée à ses résultats, est au fondement de la démocratie. (…) Les citoyens (…) dans la rue comme dans les urnes ou sur la toile, ne cessent d’exprimer leur mécontentement, leur lassitude, leur défiance, voire leur dégoût à l’égard du personnel politique ». Chers cousins et cousines, le séisme avorté du 31 juillet 2018 peut constituer si nous n’y prenons pas garde le point de déclenchement d’une résistance populaire qui cherchera à s’affranchir directement de l’élite politique dans ses futures revendications. En tout cas pour le 20 décembre 2018, je suis inquiet de voir se matérialiser la manifestation éclatante d’une abstention record, signe d’une faible mobilisation de l’électorat pour cette élection test avant 2020.Chers cousins, je m’arrête ici. On continue la semaine prochaine Inch Allah. MADI DJABAKATE Votre Cousin]]>

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