Madi nous parle ce vendredi de l’exercice des libertés publiques. Lire l’intégralité de son message. MESSAGE AUX COUSINS DU 22 JUIN 2018 Bonjour chers cousins, Bonjour Vendredi, J’ai lu le communiqué de mon Oncle Abdou Assouma. J’ai lu les réactions allergiques que cela a déclenchées. Mais avant de les lire tous la semaine passée, j’ai lu, il y a plusieurs années de cela, une déclaration de mon Oncle Koffi Annan en date du 17 mars 2003 à l’occasion de l’investiture officielle des 18 juges de la désormais tristement célèbre CPI. Mon oncle du Togo Britannique rappelait à l’attention des invités présents qu’on nous dit que, parfois, la justice doit céder le pas devant les intérêts de la paix car la justice ne peut fonctionner que lorsque la paix et l’ordre social sont assurés. Néanmoins, de par son expérience, il est parvenu à la conclusion selon laquelle l’inverse est également vrai : sans justice, il ne peut y avoir la paix durable. C’est juste pour attirer notre attention sur le fait que la question de l’organisation des élections ne peut pas être abordée en occultant la crise politique que traverse notre pays. Au risque de dire que la crise politique actuelle se justifie par la crise entre l’organe de gestion des élections et l’opinion publique en général. Et par extension je dirai que la crise actuelle et les élections ne peuvent être abordées sans prendre en compte l’exercice des libertés publiques. Cette semaine je compte aborder la question des libertés publiques et surtout la part de responsabilité de l’Etat dans leur garantie. Pour annoncer cette responsabilité, je vais citer un oncle lointain en la personne de Boutros Boutros-Ghali. Cet oncle en 2OO3, à l’occasion du 10ème anniversaire de la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’Homme, déclarait ceci : « L’Etat devrait être le meilleur garant des droits de l’Homme. C’est à l’Etat que la communauté internationale devrait, à titre principal, déléguer le soin d’assurer la protection des individus. Mais la question de l’action internationale doit se poser lorsque les Etats se révèlent indignes de cette mission, lorsqu’ils contreviennent aux principes fondamentaux de la Charte et lorsque, loin d’être les protecteurs de la personne humaine, ils en deviennent les bourreaux[…] Dans de telles circonstances, c’est à la communauté internationale de prendre le relais des Etats défaillants, c’est-à-dire aux organisations internationales, universelles ou régionales […] Lorsque la souveraineté devient l’ultime argument invoqué par des régimes autoritaires pour porter atteintes aux droits et libertés, des hommes, des femmes et des enfants, à l’abri des regards, alors – je le dis gravement – cette souveraineté-là est déjà condamnée par l’Histoire ». C’est ce qui arrive quand les libertés publiques sont menacées. Selon Lebreton, les libertés publiques sont des libertés et garanties individuelles que le gouvernement ne peut supprimer, que ce soit par la loi ou une décision judiciaire, sans en assurer d’abord la sécurité juridique. La notion de libertés publiques peut être définie en se référant à celle de droits de l’homme : contrairement à ces derniers, qui relèvent du monde de la philosophie et indiquent ce qui devrait être, les libertés publiques appartiennent en propre à la sphère du droit, et se bornent à dire ce qui est. Même si ce n’est pas l’avis des légalistes caciques, il faut relever que la confusion commode opérée par certains, entre être et devoir-être normatif, avait bien été traitée par David Hume au XIIe siècle. La distinction entre les droits de l’homme et les libertés publiques, s’il en est une, se situe donc sur un autre terrain, soit celui du critère de l’obligation des pouvoirs publics (s’abstenir de s’ingérer dans leur exercice), soit celui de leur régime de protection (législatif plus que constitutionnel). Malheureusement, c’est au nom de l’nterprétation erronée du vieux principe, consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits, que le gouvernement togolais depuis août 2017 entrave l’exercice du droit de manifestation de plusieurs togolais qui se mobilisent pour faire savoir leur rejet du pouvoir en place. De grâce à partir de cette étape de la lecture, débarrassez-vous des approches maladroites de préservation de la paix invoquées par les officiels togolais. Surtout celle du ministre qui dit qu’il faut interdire des manifestations parce que des armes sont en circulation. S’il y a quelque chose que je répète souvent en privée c’est que je n’ai pas en principe peur pour ma sécurité au TOGO. Mais j’ai peur des sécurocrates de l’Etat togolais qui feront tout pour me réduire au silence. C’est la triste réalité mais je m’en accommode. Cabri mort n’a pas peur de couteau. Loin de moi tout passage sous silence des comportements regrettables de quelques talibés des partis politiques qui m’acclament lorsque ce que je dis arrange leur camp et me menacent si c’est au désavantage de leurs chapelles politiques. Mais le point commun de toutes ces dérives c’est bien évidemment le comportement sélectif du gouvernement togolais. Quand on dénonce à demi-mot les milices, il ne faut pas être surpris de ce qui peut en découler. Cette semaine à l’annonce du Togo mort de la C14, qui a finalement compris qu’il ne sert à rien de faire sortir les jeunes pour faciliter leur matraquage par les militaires, j’ai vu circuler des soi-disant sentinelles du peuple après l’épisode des fameux groupes d’auto-défense. Au moins le Département d’Etat Américain dans son rapport de 2017 sur les droits de l’Homme se plaint aussi de ces dérives observées sur la terre de nos aïeux. Et j’espère que la SRI au lieu de prendre un menu fretin, comme Assiba Jonhson, ira prendre les officiels américains qui l’ont rédigé. Le tableau togolais est peu flatteur et toute approche visant à nier cela n’est qu’étalage de sa mauvaise foi manifeste. C’est une présomption irréfragable. Un tableau ainsi peint, qui me contraint en bon togolais à faire désormais d’une part profil bas à l’étranger et d’autre part à réfléchir par sept fois avant de m’exprimer sur la situation togolaise, est le suivant : la privation arbitraire de la liberté, le recours excessif à la force par les forces de sécurité, l’absence de procédure régulière, les conditions dures et potentiellement mortelles dans les prisons et les centres de détention, l’influence de l’Exécutif sur le pouvoir judiciaire, la restriction de la liberté de réunion et la corruption institutionnalisée. Malheureusement ces pratiques ne remontent pas à 2017. Elles sont d’actualité. Il y a lieu que le respect des libertés publiques soit refondé au Togo. Les hommes prudents savent toujours se faire un mérite de ce que la nécessité les contraint de faire. Cette sage approche politique s’impose à mon avis dans un contexte où chaque peuple cherche à s’affirmer et à s’approprier les bonnes pratiques existantes en matière d’exercice des libertés publiques. Quand on se donne la peine de voter une loi encadrant l’exercice des manifestations publiques et qu’on fait tout pour en empêcher la jouissance on court le risque d’être assimilé a quelqu’un qui fait une chose et son contraire. Il est regrettable selon moi de chercher à étouffer ce désir de liberté. Le faire ne contribuera qu’à l’entretenir. En vérité, dans une république, et surtout dans celles où la corruption a déjà fait des progrès, je fais référence à la fameuse minorité pilleuse que dénonce le Président de la République Togolaise au lieu de la sanctionner, le meilleur moyen, le plus facile, comme celui qui a le moins d’éclat pour s’opposer à l’ambition d’une opposition politique ou d’une alliance citoyenne, c’est d’occuper avant lui les voies par lesquelles il chemine pour arriver à son but. En d’autres termes prendre l’initiative de lui donner ce qu’il réclame et de se vanter de sa qualité d’écoute de ses concitoyens. Faire comme c’est le cas présentement, en tenant les freins comme nous le disons dans notre patois, c’est finir par perdre la face à force de concessions et de remises en cause de ses déclarations. C’est bref se fragiliser et donner l’opportunité à ceux d’en face d’augmenter les enchères. De grâce j’ai vu entre août et septembre 2017 des togolais toutes chapelles politiques confondues se muer en marcheurs pour les reformes avec un souhait clair pour la limitation des mandats. Et de grâce il n’y a pas lieu d’étaler ou de se prévaloir de notre propre turpitude après ces marches pour dire nous voulons la limitation des mandats mais nous sommes prêts à le différer pour encore 10 ans. Ça c’est ce qu’on appelle une bêtise commune. Et je ne pense pas que les togolais en général, et surtout ceux de la majorité au pouvoir qui ont arpentés nos rues en exprimant leurs voix pour les reformes soient bêtes. Je ne le pense même pas. A moins que certains d’entre eux me signifient directement après lecture qu’ils sont bêtes, à ce point, afin que je me fasse une opinion plus claire d’eux. Avant de poser des actes comme le rétrécissement de l’exercice des libertés publiques, il faut considérer ses inconvénients et ses dangers. Et surtout quand le désavantage l’emporte sur l’utilité, savoir y renoncer, quand même on serait sûr d’imposer le calme par la répression sauvage et barbare de certains de ses concitoyens. Peut-être même par mégarde, la répression de certains de ses partisans. Se conduire autrement, ce serait s’exposer à être taxé de tout sauf d’un homme simple. Et si ces affirmations se retrouvent sur les réseaux sociaux, il ne faut pas oublier qu’elles ont été exprimées d’abord au sein des familles avant d’être partagées dans le domaine public. Et personnellement, je comprends ceux qui propagent de tels qualificatifs quand je vois tout le sang d’origine politique rapporté déjà en 2005 par les rapports des Nations Unies ; toutes les vies perdues pour des raisons politiques depuis 2005 à nos jours à l’occasion de différents rapports d’organisations nationales et internationales ; et enfin quand je vois le dernier rapport du Département d’Etat Américain sur ce qui se passe dans mon pays depuis août 2017. Bref si F ne peut être objectivement accusé d’être un sanguinaire, il y a beaucoup d’éléments qui permettent de dire qu’à cause de ses ambitions avouées ou non avouées, le sang de togolais est régulièrement versé par des personnes présumées être assez proche de lui. C’est la toute la réalité autour d’une situation qui pousse certains togolais comme moi qui apportent leurs expertises au-delà de nos frontières à faire profil bas quand il est fait allusion à notre mère patrie. Nous ne pouvons pas malheureusement en parler avec fierté. De par ma modeste expérience, j’ai pu vérifier plusieurs théories politiques. Quand un peuple est mécontent, il devient de plus en plus difficile de le persuader car il est à bout de sa patience. Il a fait trop de concessions, il a trop pris le temps de reporter son bonheur hypothétique. Il préfère aller à l’assaut de l’inconnu pour être définitivement fixé par lui-même sur les conséquences de son choix. D’ailleurs ce qu’il retiendra, ce n’est pas ce qu’il a obtenu après cette lutte mais la façon dont il a lutté pour sortir de sa situation dont il n’était aucunement satisfait. La préservation présumée de la paix reste pour lui une arnaque de plus à l’arc de cette élite post coloniale qui a pris sur elle la responsabilité de remplacer valablement le colon dans ces pratiques décriées d’alors. Selon les érudits, si l’on veut savoir ce dont il est facile ou difficile de persuader un peuple, il faut faire cette distinction : ce dont vous avez à le persuader présente-t-il, au premier abord, une perte ou un gain ? Semble-t-il courageux ou lâche ? S’il y a apparence de fierté ou de richesse, rien de plus aisé que de persuader la multitude, même si la perte de la république et la ruine de l’État se trouvent cachées sous ces belles apparences. Rien de plus difficile, au contraire, s’il y a faiblesse ou perte apparentes, quoique l’avantage et le salut réels de l’État y soient attachés. Les Burkinabés ou Libyens en dépit de leur situation actuelle, ne regrettent pas la chasse de leurs anciens guides. Ils considèrent cela comme faisant partie de leurs défis du présent. Comme nous le savons, chaque chose à son avantage et son inconvénient. Ce n’est pas la notice d’un médicament qui nous dira le contraire. En plus, rien n’est plus capable de calmer les mouvements d’une multitude animée, que le respect qu’on porte à un homme qui a du poids, de l’autorité, et qui se présente aux détenteurs de droits qui expriment leurs revendications. Il faut donc que celui qui veut l’ouvrir, sa bouche, sache se présenter à l’opinion publique avec le plus de grâce et de dignité qu’il lui sera possible, et avec toutes les mesures conservatoires nécessaires pour inspirer plus de respect à son égard. Quand on réprime les gens avant même qu’ils ne se rendent sur les lieux de manifestations, il faut la fermer quand ils décident de manifester en ne sortant plus de chez eux. Quand on veut l’ouvrir pour sensibiliser les gens sur la nécessité de sortir pour vaquer à leurs occupations, il faut être intelligent pour la fermer sur des aspects comme leurs conditions de vie précaires qui ne leur permettent pas de s’offrir le luxe de rester à la maison au risque de mourir de faim. Est-ce que ces jeunes diplômés qui vivent au taux du jour vont imputer leur misère à celui qui les invite à rester un jour de plus à la maison ou à celui par la faute de qui depuis la fin de leur formation les laisse trainer à la maison ? De grâce, soyons sérieux et conséquents envers nous-même. Rappelons-nous que la mobilisation populaire peut être freinée mais elle ne peut être annihilée. Bref, chassez le naturel, il revient au galop. Pour me faire comprendre du Grand Citoyen d’Etat, je dirai « Populum brevi, posteaquam ab eo periculum nullum erat, desiderium ejus tenuit ; Haec natura multitudinis est : aut humiliter servit, aut superbe dominatur ». Par contre pour être plus accessible à mon Cousin K je traduis : « À peine le peuple, dit l’historien, eût-il cessé de le craindre qu’il commença de le regretter ; Tel est le caractère de la multitude, ou elle sert avec bassesse, ou elle domine avec insolence ». Il n’est un secret pour personne que c’est par intérêt qu’on rompt ou noue les alliances. L’intérêt de l’alliance des 14 et autres c’est d’avoir le soutien pour mettre hors course, Faure Gnassingbé qui malheureusement incarnait de 2005 à 2015 la rupture dans la continuité ; et depuis 2015 incarne la résurgence continuité de la non limitation. L’intérêt de la rupture de l’alliance de Faure Gnassingbé avec la loi dite Bodjona, qui a sûrement été faite sur son instruction personnelle comme c’est souvent le cas avec ses ministres, c’est de ne pas emboiter le pas à Blaise Compaoré. Mais la partie la plus subtile qu’il devrait en comprendre c’est que contrairement à Blaise il peut ne plus être Président mais continuer par résider sur le territoire togolais et jouir de sa nationalité togolaise. Il ne sert à rien d’allonger la liste des violations des droits humains pour hypothéquer de probables accords de sortie de crise. Notre pays va mal. Très mal. J’ai aussi mal aux doigts. Je m’arrête ici. Rendez-vous Vendredi Inch Allah. Mohamed MADI DJABAKATE Le Cousin d’Etat]]>
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